Du choix des images de l’observatoire et de leur reconduction  
par Thierry Girard  

 

 

 

 

 

 

Nous avons choisi de représenter le territoire du parc naturel régional des Vosges du Nord par un choix de photographies récentes, prises pour la plupart à partir de 2009, soit après les trois années d’interruption de l’observatoire photographique du paysage entre 2006 et 2008. Certaines sont des reconductions de points de vue issus du corpus établi en 1997 et 1998, d’autres sont des points de vue nouveaux, initiés entre 2009 et 2018. La première phase de l’observatoire (1997-2004) ayant fait l’objet d’un livre précédent(1), publié en 2004, il ne nous a pas semblé pertinent de reprendre, pour ce qui concerne les points de vue les plus anciens, les mêmes images.


L’organisation de ce portfolio relève du principe du parcours, de l’itinéraire, comme s’il s’agissait en quelque sorte d’une invitation au voyage à travers cette partie des Vosges du Nord. Au-delà de la qualité documentaire des photographies choisies, l’idée est de pouvoir restituer la diversité des paysages traversés, mais aussi le plaisir qu’il y a à les traverser. L’en-allée lente par les villes et les villages, en suivant quelques routes passagères, mais le plus souvent de modestes départementales, des routes de campagnes et quelques chemins forestiers, participe de cette connaissance intime et je dirais presque amoureuse du territoire qui s’est construite au fil des ans, faisant fi des contraintes de la commande initiale.


Ce parcours part du piémont alsacien, dans la partie sud du Parc naturel régional, avec un paysage emblématique du territoire, celui d’Ernolsheim-lès-Saverne, photographié juste avant d’être profondément bouleversé par le chantier de la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg. Le voyage se poursuit le long du piémont en remontant vers le Nord et en faisant un crochet par la plaine d’Alsace. Puis il pénètre dans la partie forestière et montagneuse du parc, le long de la frontière avec l’Allemagne, avant de redescendre vers le cœur du territoire puis de remonter vers Bitche et la partie nord de la Moselle . Il traverse enfin le plateau mosellan, puis l’Alsace bossue, avant de se rapprocher à nouveau du piémont alsacien au niveau du percement du tunnel de la Lgv.


Cette sélection tient compte tout autant de la diversité des problématiques paysagères qui sont à l’œuvre dans l’observatoire photographique du paysage, que des choix esthétiques qui ont prévalu dans la détermination des différents points de vue.

Le principe de la reconduction est inhérent au projet observatoire. Il s’agit tout simplement de re-photographier à l’identique les points de vue originaux, selon un rythme qui peut être annuel pour les points de vue qui le nécessitent, ou qui peut être différé dans le temps. Je ne vais pas revenir sur la méthode(2) qui a été rapportée à travers différentes publications et colloques, et à la mise en place de laquelle les photographes de l’ONPP(3) ont contribué.


Pour chacun des observatoires qui constituent l’Observatoire national photo-graphique du paysage, à la suite d’un travail d’un travail de prises de vue initial et d’une sélection opérée par un comité de pilotage, le corpus dans lequel le photographe va puiser pour assurer le travail de reconduction comporte 40 points de vue principaux et 60 points de vue secondaires. Au fil du temps, et parfois après peu d’années, il s’avère que certains points de vue deviennent physiquement irreconductibles (modification du terrain, élévation d’un mur, horizon bouché par une végétation dense etc.) ; d’autres peuvent tout simplement perdre de leur intérêt, soit que le paysage se trouve figé après voir été durablement modifié, soit qu’il ne réponde pas aux attentes initiales et que d’autres points de vue, sur des problématiques semblables, deviennent plus pertinents.
Un paysage qui ne bouge pas (ou très lentement, voire de manière très marginale) peut cependant se révéler d’un grand intérêt, et sa reconduction régulière amener une réflexion riche d’enseignements sur l’inertie notamment de certaines situations urbaines.


Il nous est apparu cependant très vite que le cadre par trop contraignant du corpus originel nous enfermait dans un rituel de reconduction qui n’était pas forcément satisfaisant, dans la mesure où il nous obligeait à faire des reconductions qui n’étaient pas toutes utiles et ne nous permettaient pas de répondre à l’évolution des problématiques paysagères, ainsi qu’à des sollicitations directes de paysages qu’une connaissance toujours plus approfondie du territoire permettait de découvrir au fil des routes et chemins empruntés.


C’est ainsi qu’il fut décidé, de manière empirique dès la fin de la première phase de l’observatoire, mais avec une approche beaucoup plus rationnelle à la reprise de l’observatoire en 2009, de compléter le corpus originel avec des apports réguliers de nouveaux points de vue, qu’il s’agisse de propositions émises par les différents chargés de mission du Pnr ou d’initiatives de ma part. Ce choix que l’OPP des Vosges du Nord est le seul a avoir entrepris et systématisé nous a permis de doubler (et même au-delà) le corpus originel. Les 220 photographies du corpus actuel constituent une image globale du territoire avec le souci de représenter d’une manière encore plus juste la diversité des paysages et des situations.


Cela permet également d’affiner et de complexifier le protocole de travail, puisque pour chacune des deux missions annuelles, celle d’hiver et celle d’automne, le choix des reconductions possibles s’étant considérablement élargi, je suis amené à revisiter un nombre toujours plus important de lieux, devant déterminer à chaque fois la pertinence ou non d’une reconduction. Mais c’est en partie cette responsabilité qui m’est confiée, qui me donne l’envie de continuer d’arpenter ces paysages des Vosges du Nord, année après année.

 

 

(1) Vosges du Nord, éditions les Imagynaires, Toulouse, 2004.

(2) http://www.side.developpement-durable.gouv.fr/userfiles/file/P0/methodeOPP.pdf

(3) Observatoire national photographique du paysage regroupant les 19 observatoires initiés directement par le Ministère de la transition écologique et solidaire à partir de 1991.

 
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